Faune sauvage dont macareux, guillemots et pingouins Tordas
Na h-Eileanan Seunta ou les îles Hébrides enchantées… Malgré l’épaisse couche de brume ou de pluie qui enveloppe fréquemment l’archipel, tout visiteur qui découvre les Shiants tombe rapidement sous leur charme. Avec un soleil radieux ou caché par de sombres nuages, les Shiants enchantent immédiatement par leur beauté à couper le souffle, leur pureté et leur biodiversité. Si les visiteurs y sont rares, les oiseaux de mer y sont omniprésents. Ils nichent dans les hautes falaises, rasent la surface de l’eau ou tournoient au-dessus des îles…
Les rochers, falaises, colonnes de dolomites ou pointes rocheuses à peine émergées, tous sont blanchis par le guano. En fond sonore résonne le cris des oiseaux qui voltigent sur le plan d’eau. Le rassemblement des macareux, guillemots et pingouins Tordas au coucher de soleil devant l’île de Garbb Eilean, se doit d’être vu ! C’est le point d’orgue du spectacle naturel auquel on assiste tout au long de la journée. La reproduction des guillemots et macareux durant le printemps demeure la période la plus favorable pour l’observation.
Phoques, Fulmars et mouettes tridactyles
Chaque espèce résidente de l’archipel occupe ses quartiers respectifs sans empiéter sur l’habitat de l’autre. La population des phoques par exemple se regroupe autour d’un ensemble rocheux en face de l’île Eilan Mhuire. Les macareux moines ont choisi les falaises de l’île de Garbb Eilean comme logis. Ils le partagent d’ailleurs avec les guillemots et les pingouins Tordas dont la résidence principale se trouve sur l’île de Eilean an Taighe où ils cohabitent avec les fulmars et les mouettes tridactyles. À noter que les guillemots et les pingouins sont installés au premier étage au-dessus du niveau de la mer, tandis que les mouettes et fulmars nichent plus en hauteur dans les falaises.
Voir aussi : dormir dans le phare du Rua Reidh avec vue sur le détroit du Minch.
Goélands marins et grands aigles de mer
Les goélands marins quant à eux occupent les cimes des montagnes et des promontoires rocheux tout comme le Pygargue à queue blanche appelé également grand aigle de mer (Haliaeetus albicilla), qui fréquente les sommets des falaises rocheuses escarpées. Son cri puissant et rauque est surtout identifiable pendant la nidification et la défense du territoire. Il est facile de repérer son nid volumineux composé de branches et inaccessible au milieu d’une falaise inaccessible. L’envergure de ce rapace inscrit à l’annexe I de la directive oiseaux de l’Union européenne peut atteindre 2,40 m ! Durant la période de nidification, les goélands marins peuvent être également agressifs, n’hésitant pas à charger les visiteurs qui ont l’audace de passer à proximité de leur territoire. Ils sont facilement reconnaissables avec leurs grandes ailes noires de 1,7 mètre d’envergure et leur bec massif jaune marqué d’un point rouge.
Un haut lieu international de l’observation des oiseaux de mer
Ces cinq cents hectares de roches, d’herbe, de falaise et de nature sauvage, coincés entre Skye et Lewis au milieu du Minch et assiégés par les mers, représentent un lieu naturel exceptionnel pour de nombreuses espèces d’oiseaux marins qui s’y épanouissent ou qui y migrent. Les Shiants constituent incontestablement un haut lieu international pour l’observation des oiseaux marins et permettent notamment d’admirer, à faible distance et dans d’excellentes conditions, des espèces pélagiques rarement détectables depuis la côte. Il y a tant d’oiseaux qu’il est difficile de les compter ! Selon les dernières estimations ornithologues, il y aurait entre quinze et 18 000 guillemots, huit à onze mille petits pingouins, entre quatre et six mille fulmars, deux mille mouettes tridactyles, environ 1 500 cormorans huppés, quelques centaines de goélands de différentes sortes dont les effectifs sont en hausse, vingt-six grands labbes ou skuas également en augmentation, et deux cent quarante mille macareux, qui représentent environ un spécimen sur huit de la population totale britannique, et deux pour cent de la population mondiale des macareux.
Le baguage des oiseaux coordonné par la British Trust for Ornithology
Durant une visite de l’île de Eilen an Taighe, nous rencontrons des membres bénévoles de la British Trust for Ornithology (BTO). L’organisation qui se consacre à l’étude des oiseaux fût fondée en 1932 en Grande-Bretagne. Le BTO contribue à des recherches sur la biologie des oiseaux et principalement sur l’étude des populations et de leur reproduction. Elle pratique le baguage qui est la seule façon de connaître leur durée de vie. L’un des bénévoles nous indique avoir eu la chance de retrouver en juillet 2009, lors d’une expédition aux Shiants, un macareux moine bagué en 1975. « Quand nous l’avons retrouvé, EB73152 avait encore son anneau de métal d’origine, mais aussi son anneau de couleur, ce qui nous a permis de l’identifier comme un oiseau provenant des Shiants et de déterminer son âge : 34 ans. À ce moment-là, c’était le macareux le plus âgé d’Europe » souligne non sans émotion Ian Buxton le bénévole avant de préciser « mais un spécimen de 41 ans a été trouvé depuis en Norvège… ».
Ces records de longévité étaient presque inévitables puisque les données collectées par les bagues indiquaient des taux de survie des adultes de 92% environ. « Ces dernières années, les macareux ont eu de bonnes saisons de reproduction. Les oiseaux bénéficient d’excellentes conditions de vie aux Shiants où ils ne subissent aucune pollution ou dégradation de leur habitat et trouvent une nourriture abondante… ». En revanche, lors de leur migration, la diminution des ressources halieutiques liée à la pêche industrielle peut les amener à manquer de nourriture.Ils subissent aussi de plein fouet les marées noires, comme dans le passé, celles de l’Erica et du Prestige. Les dégazages à répétition et les filets maillants s’avèrent aussi des pièges mortels.
Le macareux moine, vedette des Shiant Islands
Nul besoin d’être ornithologiste pour identifier le macareux moine (Fratercula arctica). S’il est surnommé le clown de mer, c’est surtout à cause de son extraordinaire bec triangulaire massif et peinturé de rouge à la pointe, puis de bleu souligné par un liseré jaune. Le macareux moine utilise son bec pour stocker ses proies et peut porter jusqu’à 30 poissons à la fois ! Les plaques cornées ornementales du bec, utilisées pour les parades nuptiales, disparaissent après la nidification. Le bec devient alors plus petit à dominante jaune et gris.
Aux Hébrides un clown nageur et voyageur fait le spectacle
C’est peut-être aussi sa grosse tête, sa calotte noire et ses yeux cerclés de rouge qui lui donnent un air de doux rêveur… De même, son allure gauche et hésitante prête à sourire quand il prend son envol avec ses courtes ailes, courant à la surface de l’eau avec ses pattes palmées rouge oranger en battant des ailes très rapidement… S’il est malhabile dans les airs, le clown de mer est plus à l’aise sous l’eau quand il nage en s’aidant de ses courtes ailes. La profondeur maximale atteinte par un macareux moine est tout de même de 60 mètres (Burger & Simpson, 1986).
Le macareux moine est un oiseau pélagique qui vit la plupart du temps en haute mer. S’il s’installe sur les îles ou le long des côtes, c’est uniquement pour la reproduction. Il niche alors sur les pentes herbeuses et les falaises, dans les éboulis par exemple comme c’est le cas au Shiant. Les populations les plus conséquentes se reproduisent en Islande (2 à 3 millions de couples), en Écosse, Irlande, Shetlands, Scandinavie… On trouve l’espèce uniquement dans le nord-atlantique.
Dès le mois d’août, les macareux moines des Shiant, comme ceux de la mer d’Irlande, quittent les îles pour atteindre en automne le golfe de Gascogne et vont même parfois jusqu’en Méditerranée (Brown, in Nettleship & Birkhead op. cit. ; Harris, in Wernham et al., 2002).
Au coeur du Minch des mammifères marins et requins-pèlerins
Rorquals, orques, dauphins, requins-pèlerins, marsouins… Outre les oiseaux marins, les eaux autour des îles Shiant abritent une fantastique variété de faunes marines, visible depuis les îles ou encore mieux depuis un bateau. Les eaux des Hébrides constituent l’un des habitats marins les plus importants en Europe, abritant près de 70% des espèces de baleines, dauphins et marsouins. Les cétacés se concentrent surtout durant le printemps et l’été dans les eaux côtières des Hébrides et notamment dans le détroit de Minch où les poissons y sont particulièrement abondants à cette époque.
Le détroit de Minch est un endroit parsemé de hauts-fonds où se rejoignent différentes eaux et différents courants, ce qui est propice à la production de plancton qui attire en nombre poissons, mammifères et oiseaux de mer. Situées au cœur du Minch, les îles Shiant constituent donc un lieu idéal pour observer les poissons et mammifères marins, d’autant plus idéal que l’archipel est peu fréquenté par les touristes.
Entre l’île de Skye et les Outer Hébrides rencontres avec orques, baleines et dauphins
Dans le Minch, il est possible de rencontrer des orques, baleines de Mink et dauphins. Croiser un requin-pèlerin adulte (cetorhinus maximus) de près de 9 mètres de long accompagné d’un juvénile c’est une rencontre inoubliable! Se déplaçant à faible vitesse ils se repèrent facilement grâce à leur première nageoire dorsale en triangle équilatéral caractéristique de l’espèce et à leur caudale en forme de croissant qui affleurent à la surface. Leurs nageoires couleur gris ardoise foncée se distinguent de loin. Très massif, le requin-pèlerin est imposant, mais totalement inoffensif puisqu’il se nourrit principalement de plancton et d’algues. Il est assez fréquent de pouvoir les observer dans cette région qui était le terrain de chasse privilégié de leur plus grand prédateur l’homme. Ils furent chassés pour l’huile de leur foie à partir de 1947 et pendant près de 50 ans. La dernière pêcherie basée dans le Firth of Clyde a fermé en 1995. Des méthodes industrielles de chasse au Pèlerin ont été mises en place à cette époque par les «Scottish West Coast Fisheries» qui opéraient avec un bateau-usine et trois petits bateaux à moteur de 12 mètres, munis d’un canon lance-harpon. Comprenant jusqu’à un quart de la masse totale du corps, leur foie est rempli d’huile (squalène) utilisée notamment comme lubrifiant industriel.
Aujourd’hui, les requins-pèlerins sont protégés dans les eaux britanniques, principalement grâce à l’annexe 5 de la Loi Wildlife and Countryside Act (1981) et au Nature Conservation (Scotland) Act datant de 2004.