Plus d’une vingtaine d’espèces de mammifères marins a été identifiée dans les eaux ceinturant l’île Maurice au cours de ces vingt dernières années.
Certaines espèces comme la baleine à bosse ou l’orque y font escale le temps d’une mise bas ou d’une remise forme, tandis que d’autres tels que les globicéphales, les cachalots et les dauphins souffleur et à long bec y ont élu domicile. Ces deux espèces de dauphins – on estime la population des tursiops à 70 individus et celle des longs becs à 350 environ – fréquentent régulièrement la baie de Tamarin sur la côte ouest et sont donc particulièrement visibles.
La pression du dolphin watching sur les cétacés est de plus en plus forte
Depuis ses débuts en l’an 2000, l’activité de « Dolphin watching » s’est considérablement développée sur la côte ouest en raison des forts revenus qu’elle génère. Chaque matin, une cinquantaine de prestataires se pressent dans les baies de Flic en Flac et de Tamarin pour faire observer les dauphins à leur clients. « D’après nos estimations, le dolphin watching rapporte près de 120 millions de roupies par an, soit 3 millions d’euros » précise Jacqueline Sauzier, présidente hyper dynamique de la MMCS célèbre pour ses coups de gueule dans la presse quotidienne. « Nous comprenons que c’est la voie rêvée pour les pêcheurs qui cherchent à se reconvertir, mais la pression est trop forte pour les cétacés. »
L’activité est d’autant plus prisée par les touristes qu’elle garantie la présence des dauphins quasiment à chaque sortie. « Les dauphins à long bec se rendent dès l’aube dans la baie de Tamarin après avoir chassé au large pendant toute la nuit. Ils affectionnent les zones protégées de faible profondeur pour dormir et pour se socialiser mais ils sont malheureusement pris d’assaut par une horde de bateaux polluants et assourdissants ! » explique Adèles Cadinouche biologiste marin chargée de la mise en œuvre du projet » Gestion durable des ressources marines, cétacés – récifs, à l’Ile Maurice « .
D’abord financée par un programme des Nations unies pour le développement (PNUD), une étude réalisée en 2006 pour mieux connaître les populations et les habitudes des cétacés, a pu se pérenniser jusqu’en 2010 grâce à la Fondation Total à hauteur de 150 000 €.
Détecter les répercussions du dolphin watching sur le comportement des animaux
Une experte australienne, Imogen Webster, a été engagée pour menée à bien cette étude. Les données collectées au quotidien ont notamment permis de détecter les répercussions du dolphin watching sur le comportement des animaux. « Nous avons pu constater chez les dauphins à long bec toute une série de comportements typiques d’un état de stress, telle qu’une augmentation de la vitesse de nage, des apnées plus longues, des évitements horizontaux et verticaux, des sauts moins fréquents dont ils se servent pourtant souvent pour communiquer… » énumère Adèle qui avec son équipe a pourtant « mis le paquet » pour sensibiliser les skippers et les touristes.
Une étude d’impact acoustique a également été réalisée et les premiers résultats n’ont mis aucun impact en évidence, le son des moteurs n’émettant pas la même fréquence que ceux utilisés par les dauphins. « Nous préconisons néanmoins l’utilisation des moteurs quatre temps auxquels les dauphins réagissent mieux et nous demandons aux opérateurs de respecter la charte d’approche que nous avons élaboré à savoir garder une certaine distance d’approche et surtout de ne pas suivre les dauphins ni leur couper le chemin, comme cela arrive trop souvent ! »
Des dauphins sous haute surveillance
La protection des cétacés est le cheval de bataille de la MMCS qui s’est distinguée dès 1990 avec la loi interdisant l’utilisation des filets dérivants dans les eaux mauriciennes.
Grâce au soutien financier du PNUD et d’autres sponsors, l’ONG a publié un poster et un livret d’identification sur les cétacés de l’Océan Indien, suivis d’une campagne de sensibilisation du grand public par le biais de plaquettes plastifiées, de panneaux d’information, de grandes causeries (discussions publiques), de conférences et de diffusion d’un film de sensibilisation.
À ce jour, quatre hôtels de la côte Ouest (La Pirogue, The Sands, Le Sofitel Imperial, Hilton Resorts and Spa) ont donné leur approbation pour diffuser ce film sur leur chaîne interne.
Validation de la réglementation du dolphin watching par le gouvernement en 2012
« Par ailleurs, des suivis sur les mammifères marins locaux enregistrées autour de l’île Maurice ont été effectués au moyen de fiches de renseignements renvoyées par les Centres de Plongée et de Pêche, et d’autres Organismes concernés » se souvient Jacqueline Sauzier, qui a activement œuvré à la réussite de ce programme.
Les résultats enregistrés depuis 1994 par la MMCS montrent la grande richesse de la biodiversité marine locale et favorisent la mise en place d’une gestion durable des activités d’observation des dauphins.
Une réglementation a été élaborée en 2009 par la MMCS en concertation avec tous les acteurs du dolphin watching et a été validée par le gouvernement en 2012.
Pourtant malgré les formations et les rencontres organisées auprès des opérateurs, beaucoup continuent à pratiquer le dolphin watching sans respecter les règles.
Cette situation inacceptable qui perdure du fait que la loi n’est pas appliquée sur le terrain, Solis Indian Ocean, l’une des 4 agence touristique réceptive du pays, n’en veut plus.
Malgré la forte demande de ses clients, elle a décidé de ne plus proposer d’activité ayant trait à la nage avec les dauphins.
Une décision courageuse qui renvoie un message fort aux opérateurs dont les pratiques sont de plus en plus irrespectueuses voire dangeureuses vis à vis des cétacés et des clients.
Prise de conscience des opérateurs
Les opérateurs eux-même ont fini par prendre conscience de l’urgence de protéger les dauphins et leur patrimoine naturel afin de pouvoir continuer à excercer leur activité.
L’Association Pour l’Environnement Marin de l’Ouest (APEMO) est une association communautaire dont les membres vivent sur la côte ouest et tirent leur revenu de l’activité de dolphin watching.
» Une vingtaine d’opérateurs sur un total de 50 environ fait partie de cette association » précise Adèle Cadinouche qui se réjouit de cette initiative. Après des années de travail de sensibilisation, c’est un bel aboutissement pour l’équipe de la MMCS que de voir ces opérateurs se mobiliser en faveur de la protection des dauphins. » Les membres de l’APEMO jouent le rôle des coast guards et quand ils interpellent un skipper pour une mauvaise conduite, le dialogue est beaucoup plus sincère et efficace » remarque la biologiste qui participe au projet de l’APEMO en faveur de la protection de l’environnement marin de la côte ouest, financé par le GEF SGP du PNUD à hauteur de 50 000 €.
Une charte de bonne conduite et une équipe de contrôle à bord d’un bateau
Parmi les objectifs de l’association figurent entre autres l’élaboration d’une charte de bonne conduite et la mise sur pied d’une équipe de contrôle à bord d’un bateau qui sera partagé avec la MMCS afin de surveiller le plan d’eau. » C’est un bel exemple et un signe d’espoir que de voir une association communautaire s’engager auprès d’une ONG pour préserver le patrimoine naturel » constate avec satisfaction Pamela Bapoo-Dundoo, coordinatrice nationale du programme des Nations Unies UNDP GEF Small Grants Programme qui a approuvé leur projet en juillet 2008. » Pas moins de 40 membres cotisent pour ce projet à hauteur de 500 Rs par mois, ce qui prouve leur volonté d’agir. » L’APEMO a également prévu d’apporter son expertise et son temps pour entretenir les dix bouées installées par l’équipe de la MMCS pour limiter la destruction du récif corallien. Enfin, les membres de l’association envisage d’organiser des journées d’information dans les écoles locales afin de faire découvrir aux jeunes la biodiversité marine de leur région et bien sûr l’univers des dauphins.
Observation des cachalots
Au large des côtes mauriciennes, il est fréquent d’observer des souffles successifs de cétacés pouvant s’élever jusqu’à 5 mètres de haut ! Il s’agit de souffles de cachalot que l’équipe de la MMCS reconnaît facilement à leur direction oblique à 45° sur la gauche. La MMCS étudie ces fascinants animaux depuis 15 ans ( ?) et est en mesure de confirmer la présence d’une population résidente autour de l’île Maurice qui compte près de 300 individus ( ?). Chassée dans les Mascareignes depuis le 18ème siècle pour le fameux spermati – une huile pure utilisée pour de multiples usages- l’espèce est protégée depuis la création du sanctuaire baleinier de l’Océan Indien en 1979 par la Commission Baleinière Internationale.
Missions de prospections visuelles et acoustiques en partenariat avec La Réunion
Face aux manque de connaissances sur le cachalot dans l’océan Indien, la MMCS s’est lancée en partenariat avec l’association Globice (Groupe Local d’Observation et d’Identification des Cétacés) basée à La Réunion, dans un projet d’étude spécifique sur cette espèce méconnue. Deux missions de prospections visuelles et acoustiques de 8 jours en mer ont été réalisées entre La Réunion et Maurice en mai 2008, puis en octobre 2009.
D’après Adèle Cadinouche, ce n’est pas un hasard si les cachalots résident à l’île Maurice dont la géomorphologie des fonds marins offre des conditions idéales. En plus d’être protégés des vents dominants, certains pans de la côte ouest offrent des tombants dégringolant jusqu’à 1500 mètres de profondeurs, et constituant des sites de chasse parfaits pour les cachalots qui y trouvent notamment des calamars, leurs mets favoris.
Des observations ont pu être relevées concernant la structure sociale et l’activité des groupes : les cachalots forment généralement deux genres de groupes sociaux : les groupes de mâles et les groupes de femelles accompagnées de leurs petits.
Le cachalot est inscrit sur la Liste rouge de l’IUCN comme espèce vulnérable
Un catalogue de photo identification a été élaboré par les deux associations à partir de nageoire dorsale des cachalots et de la face inférieure de leur nageoire caudale qui possèdent une découpe unique pour chaque individu.
Pouvant peser plus de 50 tonnes, le cachalot peut mesurer jusqu’à 18 m de long à l’âge adulte et a une durée de vie estimée entre 60 à 70 ans. Les plongeurs ont de quoi envier les performances de ce cétacé qui détient le record d’apnée avec une moyenne estimée à 60 minutes. Quand il plonge, le cachalot abaisse la température du spermati contenu dans sa tête en faisant pénétrer de l’eau par son conduit nasal. L’huile devient solide et favorise la descente. Pour remonter, il lui suffit de chasser l’eau par son évent, qui se situe sur le dessus de sa tête et qui se ferme pendant la plongée. Une technique parfaite qui a inspirée nombre de physiciens et fabricants de matériel de plongée. Bien que la chasse soit interdite depuis une vingtaine d’année, le cachalot est inscrit sur la Liste rouge de l’IUCN comme espèce vulnérable.