Dauphins, phoques et oiseaux marins au coeur de l’archipel de Molène
Quelle que soit la météo ou la marée, le spectacle est toujours au rendez-vous. Lucky Péron, le skipper et Christel, guide d’Archipel Excursions, y naviguent tous les jours, et ne s’en lassent pas, «c’est un perpétuel émerveillement ! De toutes les régions maritimes où nous avons navigué, l’archipel de Molène est le plus sauvage et offre des paysages très variés selon les marées.»
Transmission d’une passion pour la mer d’Iroise
Si la magie des rencontres animales opère à chaque sortie, Lucky et Christel demeurent très à cheval sur la sécurité. «Naviguer sur la mer d’Iroise ne s’improvise pas» précise Lucky aux 12 passagers, «Iroise viendrait pour certain de l’ire, désignant la colère de la mer, tandis que pour d’autres le terme viendrait de la marine royale pour signifier le passage.» La mer d’Iroise est effectivement une voie maritime de passages où les courants peuvent être très virulents, pouvant atteindre jusqu’à 9 nœuds ! Le passage du Four, le raz de Sein, le passage du Fromveur… où selon le dicton «Nul n’a passé Fromveur sans connaître la peur»… Dans ces lieux mythiques pour la plupart des marins, la navigation peut être extrêmement dangereuse, surtout lorsque le vent est contre le courant. Au delà des bouillonnements maritimes créés par le mélange de dépressions et de courants, la brume est l’une des actrices majeures du spectacle, faisant disparaître et réapparaître subitement l’horizon, les nombreux récifs rocheux ou les bateaux de pêche… Un show féerique qui n’est amusant que si les conditions de sécurité sont optimales. Ce qui est le cas à bord du semi-rigide d’Archipel Excursions où le port du gilet de sauvetage est obligatoire durant toute la sortie. D’une longueur de près de 10 mètres, le bateau est agréé par les affaires maritimes, équipé du matériel de secours aux normes et doté de deux moteurs de 250 cv.
Observation des cormorans, des dauphins et phoques
Observer le vol de cormorans au raz de l’eau, les dauphins surfer ou les phoques se prélasser sur les rochers…
Pour cette excursion depuis la fameuse pointe Saint-Mathieu jusqu’au légendaire phare des Pierres-Noires, Lucky et Christelle racontent tour à tour l’histoire de l’archipel qui compte notamment de nombreuses épaves. «C’est l’un des endroits maritimes au monde où la concentration en phares et balises est la plus forte» précise Lucky aux passagers médusés en leur indiquant ça et là quelques amers terrestres utilisés par les marins pour se repérer. Si elle n’est pas le but ultime de l’excursion, la faune demeure le clou du spectacle… Très attendus des visiteurs, les dauphins sont au coeur des attentions. D’après le Laboratoire des Mammifères Marins d’Océanopolis de Brest, une trentaine de cette espèce de grands dauphins (tursiops truncatus) s’est sédentarisée dans l’archipel de Molène dont les fameux courants marins offre les conditions requises pour s’y nourrir. C’est l’une des populations les plus importantes des côtes françaises.
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Interaction avec les grands dauphins d’Iroise
Le grand dauphin mesure entre 2 et 4 mètres de long et pèse entre 150 et 400 kg. Des naissances sont observées chaque années dans la colonie qui, tant qu’elle n’est pas trop perturbée par les plaisanciers, se porte bien. L’équipe d’Archipel Excursion met un point d’honneur à respecter la réglementation d’approche mise en vigueur par le Parc Naturel Marin d’Iroise (PNMI) et à sensibiliser les passagers à sa politique de conservation. «Il ne faut jamais pourchasser ni croiser un banc, l’idéal est de les laisser venir jusqu’au bateau, ce qui arrive la plupart du temps» explique Christel, des étoiles pleins les yeux en évoquant les nombreux souvenirs d’interactions exceptionnelles avec la colonie. Au fil des rencontres, le couple s’est familiarisé avec les dauphins et connaît leur circuit quotidien dont les lieux de repos et de chasse. L’équipe veille à ne pas faire durer la rencontre au-delà de 15 minutes comme le préconise le PNMI, afin de ne pas altérer les habitudes sociales des dauphins. Quand les interactions n’ont pas lieu, il est parfois possible d’observer des scènes de chasse fabuleuses. Très organisés, les cétacés se divisent pour encercler le banc de poissons, pendant que d’autres surgissent des profondeurs, réalisant des sauts spectaculaires et engloutissant un poisson au passage…
Depuis janvier 2006, en application d’un règlement européen, les armateurs de fileyeurs de plus de 12 mètres sont tenus d’équiper leurs filets de dispositifs acoustiques (Pingers) pour éloigner les mammifères marins et réduire leurs captures accidentelles. Les pêcheurs professionnels d’Iroise sont concernés par ce règlement. Le parc marin conduit une mission d’étude des Pingers en partenariat avec les professionnels de la pêche afin de tester la fiabilité et de vérifier l’efficacité de ces systèmes de répulsifs acoustiques des mammifères marins.
Observer la riche biodiversité marine de l’archipel
Au-delà de la séquence «dauphins» les passagers se régalent aussi de l’observation des oiseaux marins, comme les fous de Bassan qui plongent dans l’eau comme des torpilles pour pêcher, ou les cormorans, très nombreux dans l’archipel, que l’on voit souvent sécher leurs ailes au soleil, juchés sur un promontoire rocheux. «Les cormorans sont très gourmands» indique Christel le sourire en coin, «ils mangent l’équivalent de leur poids par jour car ils brûlent énormément de calories…». Le bateau s’arrête parfois entre les îlots pour écouter les cris stridents des sternes caugek que l’on reconnaît grâce à leur bec long et noir, avec le bout jaune et leur huppe érectile qui prolonge leur calotte noire…
L’observation des phoques gris (halichoerus grypus) est également un moment intense. Mais là encore pas question de trop les approcher, ni de prolonger trop longtemps la visite. Présente à Ouessant et dans l’archipel de Molène, la colonie de phoques gris compte près de quatre-vingt individus, mais les recensements montrent qu’il existe de grandes variations saisonnières. Ce groupe de phoques, ne constitue pas un isolat et semble faire partie d’une population qui fréquente à la fois les côtes britanniques et bretonnes.
Rencontre avec le phoque gris, emblème de Molène
C’est le phoque le plus grand d’Europe. Il mesure jusqu’à 2 mètres de long pour un poids de 250 Kg en moyenne pour un mâle, tandis que les veaux marins ne pèsent pas plus de 120 kg. Comme son nom l’indique, cette espèce possède un pelage gris foncé tacheté mais présente un dimorphisme sexuel marqué. La robe des femelles, gris clair parsemée de larges tâches, se différencie de celle des mâles qui s’assombrit avec l’âge. Ces derniers possèdent par ailleurs une tête plus massive. L’absence de front marqué permet aussi de distinguer les phoques gris des veaux marins. Contrairement aux otaries, les oreilles des phoques ne sont pas visibles et consistent en des ouvertures sans pavillon sur les côtés de la tête. On reconnaît les jeunes phoques à leur robe plus claire. A la naissance ils sont pratiquement blanc, c’est pourquoi ont les appellent des « blanchons« .
Emblèmes de l’archipel, ces animaux viennent régulièrement pêcher autour des rochers. Ils se reposent par quelques mètres d’eau, couchés au fond, au milieu des roches et des algues et adorent se prélasser au soleil sur les rochers. Le phoque gris est essentiellement piscivore et s’alimente de proies accessibles telles que les vieilles, les congres ou les calamars. C’est un prédateur opportuniste. Bien que certains pêcheurs le considèrent comme un concurrent, le phoque ne se nourrit pas beaucoup d’espèces nobles comme le bar ou le lieu, plus difficiles à capturer. Le phoque gris fait l’objet d’une double protection : il fait partie des mammifères marins protégés sur le territoire national, selon l’arrêté du 27 juillet 1995 et est également classée en annexe II de la Directive Habitat de l’Europe. Comme pour la colonie de grands dauphins, celle des phoques gris fait l’objet d’un programme de suivi effectué par le Parc National Marin d’Iroise en partenariat avec Océanopolis.