L’île de Samsø a commencé sa transformation vers l’indépendance énergétique en 1997. A cette époque, la consommation énergétique des habitants de l’île était presque entièrement basée sur le pétrole importé par bateau et sur l’électricité produite par des centrales au charbon et acheminée par câble depuis le continent.
Autosuffisance énergétique et réduction de 140% de l’empreinte écologique
Les habitants de Samsø sont passés d’une production de 45 000 tonnes de dioxyde de carbone par an à -15 000 tonnes et exportent leur surplus d’électricité provenant de sources d’énergies renouvelables vers le reste du Danemark. Ils sont ainsi parvenus à atteindre une réduction de près de 140% de leur empreinte écologique.
En arrivant à Samsø avec le ferry, les signes de cette transformation verte commencent d’emblée avec les 10 éoliennes offshores alignées qui prolongent le sud de l’île. A peine arrivés sur l’île de Samsø, on aperçoit des dizaines d’éoliennes qui s’élèvent au-dessus des champs, tandis que les panneaux solaires brillent sur les toits des maisons et que s’échappent au loin les fumées des chaudières où sont brûlés la paille des fermes locales, ou le bois provenant des forêts de l’île, qui alimentent les foyers en eau chaude.
Un bel exemple de démocratie directe
La principale difficulté a été de convaincre les habitants de l’île, car les réticences et conflits d’intérêt étaient nombreux. C’est Søren Harmensen, ancien professeur d’études environnementales qui se distingue par son enthousiasme contagieux pour les énergies renouvelables, qui a relevé le défit.
Nommé responsable du projet, il est parvenu, à force de réunions informelles et en s’appuyant sur des arguments économiques probants, à convaincre les riverains des bénéfices d’une politique de développement des énergies renouvelables. Les Danois ont développé une culture du dialogue et de la concertation qui a fait ses preuves sur le terrain. A l’image de certaines tribus mélanésiennes où la pratique est courante, aucun projet n’est conçu sans qu’il y ait une concertation entres les acteurs concernés. Les nombreuses réunions et les discussions enflammées ont fini par porter leurs fruits. « Chacun à été entendu sur des sujets aussi sensibles que le choix de l’emplacement des éoliennes » remarque avec un sourire Jesper Roug Kristensen, chargé de promotion des technologies innovantes au sein d’Energy Academy. « De toutes façons, quand vous avez des intérêts financiers dans une éolienne, vous ne l’entendez plus et vous la trouvez forcément belle ! » remarque malicieusement chargé de promotion des technologies innovantes au sein d’Energy Academy.
Partir de l’échelon local et ne pas chercher à imposer la technologie aux gens
En effet, 450 insulaires – près d’un quart des ménages – ont pris des parts dans des coopératives qui détiennent une partie des aérogénérateurs, le reste étant la propriété de fermiers parfois regroupés, ou encore de la municipalité. Si certain ont opté pour le placement minimal qui était d’environ 400 euros, d’autres ont investi beaucoup plus pour en faire un vrai business.
Le succès de cette révolution repose donc en partie sur l’autodétermination des habitants de Samsø. Aucune de ces installations n’a été imposée aux habitants par l’Etat ou financée par de grosses compagnies énergétiques. Chacune d’entre elle appartient à un particulier de l’île ou à un collectif d’habitants. « L’important, » nous rappelle Jesper Roug Kristensen, qui s’est installé sur l’île et qui restaure un ancien prieuré, « c’est d’avoir démontré que, pour changer nos habitudes énergétiques, il faut partir de l’échelon local et ne pas chercher à imposer la technologie aux gens. Par exemple, nous avons su refuser la proposition de Shell qui souhaitait s’impliquer dans le projet à la condition de devenir propriétaire des éoliennes. »
Une communauté enthousiasmée et convaincue par les énergies propres
« Si personne ne s’est opposé sur l’île à la présence d’éoliennes, c’est parce que presque tous les insulaires se sont impliqués dans un processus d’achats d’une installation », nous révèle Jesper qui a emménagé sur l’île avec sa femme il y a quelques années, gagné par l’enthousiasme de cette communauté vis à vis des énergies propres.
C’est l’une des clefs du succès de la transformation de Samsø qui s’avère être plus à caractère sociale que technologique. Et Jesper de préciser que seules les technologies déjà existantes et prêtes à l’usage ont été utilisées pour la transformation verte de Samso et que les véritables changements se sont donc produits au niveau de la réaction des gens et que cela a mis du temps à se développer.
Une volonté politique est indispensable pour réduire la dépendance aux carburants fossiles
L’un des rôles de l’agence Energy Academy est de partager ses connaissances et son expérience en matière de développement des énergies renouvelables dont Samsø s’inscrit aujourd’hui comme l’une des îles emblématiques prouvant que la transition est possible.
De nombreuses solutions aux problèmes environnementaux existent en effet mais pour pouvoir les porter encore faut-il une volonté politique pour encourager la sobriété, réduire la dépendance aux carburants fossiles et être à même de s’engager plus rapidement dans la voie du dévelppement durable.
Avec près de 750 W de puissance installée éolienne par habitant, le Danemark a largement prouvé que les freins techniques pouvaient être levés non seulement au niveau de la gestion de la variabilité du réseau, mais également au niveau des barrières sociales liées à l’acceptation de l’éolien qui sont inévitables.
Samsø vise le « sans fossile » en 2030
Pourtant, si les efforts de Samsø portent visiblement leurs fruits pour lutter contre les émissions de CO2 à travers une politique réellement volontariste, peu d’initiatives sont prises au niveau des engrais chimiques toujours utilisés par la majorité des agriculteurs. A noter qu’heureusement, l’agriculture bio se développe progressivement sur l’île et les initiatives sont soutenue par l’Energy Academy qui adopte une vision holistique du développement durable. D’ailleurs le nouveau cap de Samsø est de s’affranchir complètement des ressources fossiles d’ici 2030. Pour cela, le parc automobile sera remplacé par des véhicules électriques. La municipalité et la poste sont déjà équipées d’une quarantaine d’engins zéro émission, avec les stations de recharge photovoltaïques correspondantes. Pour les camions, les tracteurs et le nouveau ferry dont la municipalité a fait l’acquisition, une usine de production de biogaz à partir de déchets agricoles et ménagers est en projet.