Un site Natura 2000
La lagune du Brusc et les hauts-fonds de l’île des Embiez sont inscrits au réseau Natura 2000 depuis 1999 et notamment pour leur récif-barrière de posidonies. « Sur les 504 ha de la zone marine qui comprend toute la périphérie des Embiez, les herbiers couvrent près de 400 ha ! Un patrimoine naturel rare sur les côtes françaises qu’il faut impérativement protéger », précise Nardo Vicente, directeur de l’Institut Océanographique Paul Ricard, chargé de la mise en œuvre de cet outil de protection. Fondé sur les deux directives européennes Habitats et Oiseaux, le réseau Natura 2000 vise à favoriser le maintien de la biodiversité tout en tenant compte des exigences économiques, sociales et culturelles.
Protéger la posidonie à tout prix
Une tâche délicate pour une zone très fréquentée par les pêcheurs professionnels et les pêcheurs loisir, les adeptes de planche à voile et de surf et les plaisanciers. Avec plus de 280 bateaux recensés entre les Embiez et le Rouveau en une seule journée d’été, les dégâts ont été considérables sur les herbiers, dont une partie a été piétinée et labourée par les ancres…
Mise en place de mesures de protection
Après avoir réalisé le diagnostic écologique du site et défini les objectifs de gestion, l’Institut a défini les mesures de gestion et les moyens à mettre en œuvre, en concertation avec tous les usagers du site. Suite à un arrêté municipal, l’ensemble du périmètre des Embiez a été interdit au piétinement et à la navigation, que ce soit avec des engins à moteur ou des engins de plage, à l’exception des kayaks. La commune a consacré près de 300 000 € pour enlever les bateaux épaves et pour mettre en place des mouillages organisés. Un plan de gestion de la ressource a par ailleurs été établi avec la trentaine de pêcheurs professionnels présents sur le Brusc et Sanary afin de leur permettre de poursuivre leur activité tout en respectant le milieu marin. Enfin, un travail important d’information et de sensibilisation a été réalisé auprès des estivants et des communes avoisinantes et notamment auprès des écoles.
D’après les derniers rapports de l’Institut, les herbiers de posidonies sont aujourd’hui en bonne santé. Pourtant, si les activités humaines ont moins d’impact sur les plantes marines, celles-ci sont menacées par un autre fléau tout aussi préoccupant : la caulerpa racemosa. Cette algue envahissante est déjà présente sur plus de 4 ha des fonds marins de la région et outre le simple arrachage, aucune solution n’existe actuellement pour enrayer sa progression.
L’écloserie polyvalente mène plusieurs missions de front
L’écloserie polyvalente est née d’un partenariat entre le comité local des pêches du Var, l’institut océanographique Paul-Ricard et la Caisse d’Épargne qui a financé ce projet inédit à hauteur de 100 000 €. Le but à terme est de permettre le repeuplement d’espèces à forte valeur marchande menacées par la surexploitation ou la pollution, tout en soutenant la pêche artisanale. Une activité expérimentale d’aquaculture avec nurserie avait déjà été développée par l’Institut sur ces lieux en 1981 afin de relancer le développement larvaire de poissons d’intérêt commercial comme le loup et la daurade et d’apporter un complément à la pêche.
Réduction de la pression de capture dans le milieu naturel
Trente ans plus tard, l’équipe de recherche concentre ses travaux sur des espèces rares ou menacées de disparition et de surexploitation comme l’hippocampe (Hippocampus et Hippocampus guttulatus), l’oursin comestible (Paracentrotus lividus)et la grande nacre (Pinna nobilis). L’étude de la biologie et du comportement de ces espèces menacées permet d’en maîtriser les techniques d’élevage. C’est le cas de l’hippocampe menacé de disparition malgré sa protection au niveau international. « Nous maîtrisons la reproduction des hippocampes, depuis le développement des alevins jusqu’à l’âge adulte, et nous transmettons de nombreux spécimens nés à l’institut à d’autres aquariums afin de réduire la pression de capture dans le milieu naturel » nous précise Nardo Vicente en nous montrons les bacs où évoluent des dizaines de juvéniles de ces merveilleuses créatures. « Ces spécimens viennent de l’étang de Thau ; il faut savoir que chaque ponte donne entre 200 et 600 œufs et que l’on compte 50% de survie en bassin et un pour quatre mille en milieu naturel ! »
Soutien de la pêche artisanale d’oursins
Le programme oursin a vu le jour suite à une diminution des stocks de l’oursin comestible constatée par les pêcheurs eux-mêmes depuis ces dernières années. « La prudhommie de La Ciotat nous a demandé de fabriquer des oursins », nous confie Nardo Vicente, « rien de plus simple, mais le problème c’est de pouvoir leur donner le premier biberon ! » Tel a été le défi relevé haut la main par l’équipe de l’IOPR qui a mené des recherches aquacoles pour parvenir à produire la nourriture adéquate et ainsi faire grandir les larves et produire des oursins. Sur 1,5 million de naissances réalisées par fécondation in vitro, pas moins de 300 000 larves d’oursins ont été produites. Les oursins sont lâchés quand ils atteignent 1 mm. Au total plus d’un million de larves ont été introduites l’an passé sur cinq sites de la région toulonnaise, dont deux autour des Embiez. Reste à mesurer l’efficacité de l’opération via un test de paternité génétique qui permettra de déterminer si les oursins retrouvés sur place proviennent bien de l’écloserie. « L’ADN est prélevé sur les piquants, une méthode de prélèvement adaptée à la ressource qui évite d’avoir un impact sur la population sauvage » nous explique Sylvain Couvray qui travaille avec l’université de Toulon sur la génétique des populations afin de développer ce test de paternité. Les oursins de l’institut seront commercialisables dans 4 ans. Une nouvelle étape est donc franchie et va permettre de passer au stade d’une production à grande échelle.
Production de microalgues contre la sous-nutrition
Par ailleurs, l’écloserie produit des algues microscopiques, et notamment la spiruline et la chlorelle, utilisées pour combattre la sous-nutrition dans les pays en voie de développement et éventuellement pour la production de biocarburant. La spiruline se développe dans des eaux saumâtres. Or l’institut océanographique a mené des essais pour en produire en eau de mer. « On arrive à en produire 6 à 7 graines par mètre carré par jour » explique Nardo Vicente non sans satisfaction, « il faut savoir que 1000 m2 peuvent nourrir 10 000 enfants mal nourris ! » Une petite unité de production, séchage et conditionnement de spiruline est d’ailleurs en cours d’implantation dans le sud de Madagascar. Un aboutissement particulièrement important pour Nardo Vicente à l’origine de cette aventure humaniste.
Des partenariats prestigieux
En collaboration avec Patricia, la petite-fille de Paul Ricard, qui a repris la présidence de l’Institut, Nardo Vicente a développé plusieurs partenariats : avec WWF pour étudier les populations de cétacés en Méditerranée, avec Véolia pour mesurer l’impact des saumures d’usines de dessalement d’eau de mer, avec Tara pour communiquer lors du congrès de l’IUCN à Barcelone ou encore en 2009, avec la création d’une écloserie expérimentale. Aujourd’hui le professeur émérite fonde de gros espoir sur le Sea Orbiter lancé par son ami Jacques Rougerie, qu’il soutient depuis ses débuts, « un programme ambitieux de recherche pélagique devrait être mené en 2013 avec 240 jours en Méditerranée pour étudier la mer en temps réel depuis l’infiniment petit jusqu’aux baleines ! » s’enthousiasme Nardo Vicente qui est demeuré aussi passionné qu’au début de sa carrière.
L’institut collabore par ailleurs avec plusieurs organismes scientifiques et notamment les stations biologiques de Villefranche, d’Endourne, de Banyuls, de Roscoff et de Concarneau et travaille également avec des scientifiques en Angleterre, Espagne, Italie et jusqu’en Australie sur la grande nacre.